L’Afrique de l’Ouest francophone est confrontée à d’importants défis en matière de Droits à la Santé Sexuelle et de la Reproduction (DSSR), notamment des taux élevés de mortalité maternelle, un accès limité à la contraception, des avortements à risque et des violences basées sur le genre. Les barrières culturelles, religieuses et juridiques entravent souvent le progrès. Les litiges stratégiques peuvent constituer un outil puissant pour contester et modifier les lois, les politiques et les pratiques qui violent les DSSR, créant ainsi des précédents juridiques pouvant avoir un large impact.
A cet égard, LIBERA ex ONG Américaine Planned Parenthood Global (PPG), dans le cadre du projet « Soutenir les litiges stratégiques pour faire progresser la santé et les droits sexuels et reproductifs (DSSR) à travers le renforcement des capacités des associations de femmes juristes francophones de l’Afrique de l’Ouest», en partenariat avec la Fondation Hewlett, appuie les associations de femmes juristes du Bénin, du Burkina, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal en vue d’exploiter le potentiel du système judiciaire des pays ciblés, pour stimuler un changement de perception sociale sur les droits sexuels et reproductifs des femmes.
Le projet utilisera le litige stratégique, par le biais des tribunaux et/ou du système judiciaire, comme outil pour créer/réaliser un changement en tenant les gouvernements responsables d’adapter les services de DSSR, pour servir et créer des systèmes/services pratiques et accessibles en vue de répondre aux besoins des personnes vulnérables, des femmes et des jeunes en la matière (AFJ/BF).
L’Association des Femmes Juristes Burkina Faso (AFJ/BF), engagée dans ce projet, a organisé un atelier d’échanges et de partage sur les litiges stratégiques avec les membres de l’AFJ/BF, les représentants d’organisations de la société civile (OSC) et d’institutions de défense des droits humains du 15 au 17 octobre 2025 à Ouagadougou.
Au sortir des 72h de formation, d’échanges très fructueux et de partages d’expériences, des acteurs d’OSC et partenaires de l’AFJ/BF, très satisfaits, se sont prononcés.
Les litiges stratégiques sont un concept pour la plupart des participants et beaucoup reconnaissent que cette formation était la bienvenue parce qu’elle leur permettra de s’en servir pour défendre efficacement les Droits des femmes et des filles.
Lidvine Inès Ouattara, Chargée de projet au centre pour la qualité du droit et la justice sécurisée, a remercié de tout cœur l’AJF/BF et tous ceux qui ont travaillé à faciliter cette formation « C’est une formation qui portait sur les litiges stratégiques et pour moi c’était une 1ère parce que je n’avais jamais eu l’occasion d’écouter des interventions sur cette thématique. Au cours de cette formation, nous avons vu les instruments juridiques internationaux, portant sur la question des Droits des femmes et on a plus abordé les litiges stratégiques qui sont des actions judiciaires qui sont menées et qui ne sont pas forcément entrain de vouloir la résolution d’un conflit individuel, mais voulant porter sur un impact social plus large.
Au travers de cette formation, j’ai compris que nous avons certainement des difficultés au niveau de certaines choses que nous voyons notamment (par exemple) le viol ou des questions qui sont là sous nos yeux que nous pouvons utiliser justement au travers d’une action en justice pour avoir un impact plus social en faveur d’une résolution bénéfique au service de tous concernant ce conflit.
Je suis très contente de cette formation ; j’apprécie positivement surtout les interventions et les formatrices. Le contenu était vraiment de qualité et cela nous a permis de comprendre de façon profonde tous les contours autour de la question des litiges stratégiques et les travaux de groupes nous ont permis de traiter des cas spécifiques ».
Elle a en outre lancé un appel « L’appel que j’ai à lancer, c’est de vraiment prendre en compte (que ce soit au niveau de la justice , des acteurs judiciaires ou les autorités gouvernementales) la question de la femme et aussi de la jeune fille qui est une gent qui est une spécificité et cette spécificité fait qu’elles sont parfois confrontées à des défis et pour résoudre ce défis(comme on le dit ce n’est pas une seule main qui peut malaxer la pâte ) ; donc, lorsque plusieurs personnes mettent la main dans la pâte, ces causes peuvent avoir un dénouement plus confortable, plus bénéfique pour non seulement cette gent, mais aussi cela va toucher positivement toute la société ».
Elle a promis de faire une restitution de ce qu’elle a appris et pense mener des actions personnelles pour pouvoir parler des litiges stratégiques « j’envisage un certain nombre d’actions que je vais mener à travers mes différents réseaux en ligne pour pouvoir partager le contenu de ce que j’aurai appris, pas l’entièreté, mais quelques éléments ».
Les litiges stratégiques, sont une nouvelle expression qui s’incorpore actuellement au niveau de l’arsenal juridique burkinabè, a noté Ali Soulama du groupe de recherche Action pour la sécurité humaine (GRANSH) « C’est une nouvelle découverte pour moi et parlant de litiges stratégiques ; ce sera un outil pourque les organisations cela société civile (OSC) et les associations puissent interpeller l’État pour revoir certains textes et lois qui sont adoptés.
Il y’a déjà au GRASH le volet contentieux stratégique qui est là. Cependant, nous n’étions pas complètement au niveau des Droits des femmes ».
Tout comme Lidvine Inès, Ali (avec son association) a promis de veiller à travailler en tandem avec les associations féminines qui pourront les envoyer des cas de viol parce que selon lui, il y’a eu beaucoup de témoignages dans la salle « Et nous allons essayer de porter l’affaire devant les instances habilitées pour essayer de donner notre contribution à la lutte à travers un outil contentieux stratégique ».
Cette formation est vraiment très riche en termes de renforcement de capacités surtout et les instruments juridiques, s’est réjouie Aida Djiga/Tamboura en charge des questions de genre et de VBG à la Commission nationale des droits humains (CNDH) « Et vraiment la stratégie pour pouvoir mener à bien les litiges stratégiques notamment comment mobiliser les acteurs, la documentation, la mobilisation des ressources financières et tout ce qui est essentiel pourque l’on puisse mener à bien un litige stratégique pour l’égalité et la promotion des droits humains et des femmes et filles en particulier ».
Au cours de ces trois jours de formation, Aïda a reconnu que cette formation a vraiment renforcé ses capacités, comment mener à bien un litige stratégique et ce qui lui a le plus marqué (selon ses dires), c’est de voir qu’au niveau de la CNDH, ils peuvent joué un grand rôle dans le plaidoyer institutionnel et le suivi des recommandations « Donc, en combinant nos efforts avec la société civile, nous pouvons promouvoir , protéger et défendre les droits humains dans le cadre d’un litige stratégique ».
Cette formation a été très édifiante puisqu’elle a porté sur une notion dont il n’avait aucune grande compréhension , a confié Yves Bertrand Yougbaré de l’ONIT ( organisation pour les nouvelles initiatives en développement et santé) « Il s’agissait des litiges stratégiques et ces 72h de formation m’ont permis de comprendre ce que c’est qu’un litige stratégique , quelle est son importance pour faire bouger les choses dans le pays et ce qui m’a le plus marqué, c’est l’engagement des organisations de la société civile (OSC) pour faire bouger les lignes pour ce qui concerne la prise en compte des droits des femmes surtout dans ce contexte que nous connaissons de crise humanitaire . Il y’a beaucoup de droits des femmes qui sont brimés, beaucoup d’exactions, beaucoup de viols, de violences basées sur le genre (VBG) ; il est important que des cas comme ceci soit rétablis afin y’ait réparation pour les victimes et c’est en ce sens que j’ai vraiment été ébloui par l’engagement des OSC ».
Et l’appel qu’il a lancé « c’est surtout de dire le droit puisqu’il n’est pas normal que des violences soient subies par une minorité ou une population donnée et qu’il n’yait pas réparation parce que la population réclame justice. Il n’est pas normal qu’un. e mineur.e soit violé.e et qu’on n’arrive pas à situer l’auteur ; c’est dans ce sens que cette activité sur les litiges stratégiques permettra d’apporter des solutions afin de pouvoir pallier cela » .
Pour Aminata Sawadogo/Ouédraogo de l’association d’appui et d’éveil puugsada (ADEP) « Les litiges stratégiques viennent faciliter un peu le travail des OSC que nous sommes parce que d’habitude, pour défendre une cause, nous passons par des plaidoyers. Aujourd’hui, nous avons compris qu’il y’a d’autres voies par lesquelles nous pouvons faire recours pour promouvoir certains droits des femmes et des filles ».
Elle a précisé en outre qu’elle apprend beaucoup et renforce ses capacités grâce aux formations de l’AFJ/BF « Nous nous disons Défenseur.e.s des droits des femmes et des filles, malheureusement beaucoup de choses nous échappent surtout en matière de lois. Les contenus des différentes communications , les échanges francs et fructueux nous ont permis d’apprendre beaucoup de choses et nous arrivons à apprécier au mieux les failles qu’il y’a souvent dans les textes et j’avoue que nous apprenons beaucoup avec l’AFJ/BF et cela nous permet de prendre conscience que le combat que nous devons mener, le chemin est long et aussi à considérer les petits pas , les acquis et ne pas dormir sous nos lauriers puisque nous pouvons perdre à tout moment ces acquis ».
Le litige stratégique selon Maître LENGA, Avocate au Barreau du Burkina Faso (la formatrice).
Le litige stratégique est un concept qui est né aux États-Unis et c’est propre au système de la Common law « Nous sommes dans le système romano-germanique, nous sommes en train d’expérimenter ce concept au Burkina Faso (BF) particulièrement. C’est vrai que les OSC ont déjà des outils de promotion des droits humains à savoir la sensibilisation, le plaidoyer.
En somme, le litige stratégique est une stratégie judiciaire qui vise à créer un changement social, législatif, réglementaire, juridique à plus grande échelle au-delà du cas individuel.
C’est un outil qu’on utilise pour mener des actions sur le plan judiciaire : à ce moment on vise un objectif, impacté.
Il faut noter que le litige stratégique est différent du litige de droit commun qui vise principalement à résoudre un conflit entre des personnes privées pour un droit spécifique, tandis que le litige stratégique a un objectif plus large, qui est de provoquer un changement social ou juridique ».
Il y’a eu des communications sur les instruments juridiques de protection des femmes, des échanges avec les participant.e.s sur les typologies de violences à l’encontre des femmes : VBG (violences basées sur le genre), VFF(violences à l’égard des femmes et des filles), VSS (violences sexuelles et sexistes).
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