Leadership Féminin : Mariam Lamizana ; cette Héroïne qui fait la Fierté du Burkina Faso.

Femme politique et militante associative burkinabé, ministre de l’action sociale de 2002 à 2006, présidente de l’ONG burkinabé Voix de Femmes (depuis 2000 ; Voix de Femmes promeut les droits des femmes et des enfants ; confère Wikipédia), sociologue à la retraite, pionnière de la lutte contre l’excision au Burkina Faso (BF), présidente du comité interafricain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants (CAF), coordonnatrice du Collectif des Féministes du Burkina, Mariam Lamizana, cette héroïne , a accepté se confier à Féminin Actu lors de la journée internationale Tolérance Zéro aux mutilations génitales féminines qui se tient tous les 6février de chaque année.

Féminin Actu (F.A) : Que représente la journée du 06 février pour vous ?
Mariam Lamizana ( M.L) : C’est vraiment un moment très fort et pour les personnes et les structures engagées dans le cas de la lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) parce que nous avions depuis 20ans organisé une Conférence internationale sur la Tolérance Zéro aux MGF avec nos partenaires que sont les agences des nations unies, l’UNFP et l’UNICEF et à l’issu de cette conférence à Addis Abbéba, une Grande recommandation a été prise à savoir « l’adoption le 6février , de la journée internationale de la tolérance zéro ».
(F.A) : Pourquoi le 6 février ?
( M.L) : Parce que le 6 février correspond à la date de création du Comité inter africain à Dakar « Donc ensemble, on a convenu que pour faire avancer ce processus d’abandon de la pratique des MGF, il était de bon ton d’initier (à l’instar d’autres pays tels que le Burkina Faso (BF) qui a sa journée nationale de lutte contre la pratique de l’excision ) une journée internationale qui va fédérer toutes les énergies au même moment , et deux ans après le plaidoyer s’est poursuivi auprès de l’Assemblée générale des nations unies qui a accepté institutionnaliser cette journée . Donc, depuis 2005- 2006, chaque année, le 6 février est institutionnalisée journée internationale de la tolérance zéro aux MGF et cela fait 20ans que cette journée existe ».
(F.A) : Malgré ces 20ans de lutte, nous constatons toujours que les MGF ont la carapace dure au Burkina Faso.  Selon vous, comment éradiquer complètement ce fléau du BF ?
(M.L) : C’est un Processus. Le changement de comportement , le changement de mentalité ne s’acquiert pas à un tour de main donc, c’est un travail de longue haleine , c’est un travail de patience , c’est un travail continu de sensibilisation, un travail continu de plaidoyer « sensibilisation au niveau de la communauté pour susciter une mobilisation communautaire, une mobilisation sociale et plaidoyer auprès des autorités pour que dans tous les discours officiels que le politique, l’administratifs, puissent s’engager prononcer des messages forts , d’engagements dans la lutte contre cette pratique et le lobbying également pour que les différents législateurs revisitent leurs lois pour prendre en compte cette pratique . Donc que je crois que beaucoup de choses ont été faites ; c’est vrai que le bout du tunnel est encore loin, mais quand on regarde les statistiques par rapport à la prévalence, il y’a un peu d’espoir. Je sais qu’au Burkina , la pratique continue malheureusement , mais si on regarde du côté des jeunes enfants, de la tranche d’âges de 0 à 14ans , la prévalence baisse ; on a une prévalence entre 11 et 14% , donc cela veut dire qu’il y’a un peu d’espoir, maintenant, il faut faire du corps à corps et cibler les communautés qui posent problème, cibler les groupes sociaux professionnels ou il faut mettre encore l’accent, les leaders religieux , les leaders traditionnels pour susciter plus d’engagements, plus de mobilisations à leurs niveaux et je crois qu’avec tout cela, la pratique peut reculer ».
(F.A) : « Vingt ans de lutte de la journée tolérance zéro, bilan défis et perspectives » est le thème du comité interafricain de cette journée et malgré les vingt ans de lutte, les MGF ont la carapace dure au BF.

(M.L) Malheureusement comme vous l’avez dit, la pratique a la peau dure parce qu’avec la loi dans notre pays, les gens savent que y’a la loi, il ne faut pas le faire, même s’ils le font en cachète, mais dans d’autres pays tels que le Mali, il n’ya pas de loi. Ce qui fait que les communautés des zones frontalières dépassent la frontière, traversent la frontière pour faire exciser leurs enfants , c’est ce qu’on appelle la pratique Transfrontalière qui malheureusement constitue un handicap ; il y’a également l’âge qui a régressé, aujourd’hui, c’est sur des bébés , des enfants de moins de cinq ans et moi je crois que c’est une tentative de ne pas échapper à cette pratique ; donc c’est autant d’éléments regrettables pour lesquels il faut encore pousser les choses. C’est pour cela que pour le thème de cette année, on s’est dit « vingt ans que nous avons proclamé la journée tolérance zéro aux MGF, il faut faire un point pour faire le bilan et examiner les défis et les perspectives, voilà le bilan, vingt ans de lutte de la journée tolérance zéro, bilan défis et perspectives ».
(F.A) : Pouvez-vous revenir sur les litiges stratégiques ?
(M.L) :Dans le cas des litiges stratégiques, il y’a deux ou trois ans, avec un partenaire Equality Now, nous avions tenté de mettre en place ce qu’on appelle les litige s d’impact stratégiques «  On a profité d’un procès pour se porter partie civile, mais malheureusement, à l’époque, nous avons été boosté de ce rôle parce que la loi n’autorisait pas les organisations de la société civile (OSC) d’ester comme partie civile ; mais on avait une avocate qui a poursuivi la plaidoirie et malheureusement ça n’a pas abouti et on devait faire appel :   vous savez, les avocats, il faut les payer, donc comme on n’avait pas suffisamment de ressources, c’est rester en chemin. Cependant, nous avions poursuivi cette stratégie avec ISLA qui est un partenaire, nous avons un projet, c’est les cas de violence, il n’ya pas que l’excision, il y’a d’autres violences dont les femmes sont victimes qui sont prises en compte dans cette stratégie ».
(F.A) : Vingt ans de lutte, vingt ans de combat, quel est l’état de lieu que vous pouvez faire ; y’a-t-il un bilan positif même si les choses avancent difficilement ?
(M.L) En fait les 20ans s’identifient à l’institutionnalisation de la journée tolérance zéro, si non la lutte organisée depuis 1990 et la lutte non organisée datent depuis l’arrivée des pères blancs avec la 1ère république et à partir de la proclamation de l’année internationale de la femme 1975 « que les choses ont commencé à prendre corps de manière sporadique ».
(F.A) : Maintenant quel bilan peut-on faire, Peut-on dire qu’il y’a un impact ?
(M.L) : Je peux dire OUI qu’il y’a un impact. Aujourd’hui, le problème est posé à la conscience nationale, donc, personne ne peut dire qu’elle n’est pas au courant que la pratique des MGF n’est pas bonne et interdite dans notre pays « Donc, pour l’information à passer, cette problématique est posée à la conscience nationale, suscite un débat avec une polémique des pour et des contre, il y’a également le fait qu’aujourd’hui nous avons une mobilisation communautaire et sociale autour de la question. On a pu susciter l’engagement et la participation de certains leaders d’opinions tels que les leaders coutumiers et les leaders religieux, des organisations de la société civile (OSC) qui sont mobilisées et la presse, les associations d’organes de presse qui sont mobilisées qui nous aident à faire passer le message ; il y’a la volonté politique qui s’est traduite par la mise en place d’un cadre institutionnel, la mise en place d’un fond qui soutient au niveau national la pratique des MGF , il y’a la loi, les programmes qui existent , c’est un peu une volonté politique , il y’a l’accompagnement des partenaires techniques et financiers ; dont le programme conjoint UNICEF qui traite de la problématique des MGF et des mariages d’enfants ; ce sont des ressources destinées à ces deux problématiques , c’est autant d’actions, d’efforts qui ont été déployés suite à toute cette campagne de sensibilisation que nous avons mené depuis lors ».
(F.A) : Quelles sont les peines encourues par les personnes exciseuses
(M.L) : Les peines ont été révisées à la hausse et le quantum a été augmenté « je sais qu’aujourd’hui la pratique de l’excision est un crime, elle est criminalisée. A l’époque les peines allaient de trois à cinq ans ; maintenant c’est de cinq à dix ans, si non plus, et pour le personnel médical, la suspension n’excède pas cinq ans. La suspension d’un agent de santé qui s’adonnerait à cette pratique va jusqu’à cinq ans maximum. Je pense qu’il y’a beaucoup d’efforts qui ont été faits ; malheureusement il y’a toujours des zones de résistance qui sont encouragées par certains acteurs. Je pense qu’il faut être très regardant, ne pas baisser la garde et moi je sollicite toujours le concours de la presse surtout les femmes engagées dans la presse pour nous aider à poursuivre la sensibilisation à faire passer le bon message puisqu’il n’y a que cela et de temps en temps, nous allons sévir à travers la loi ».
(F.A) : Qu’est-ce que l’excision selon vous ?
En fait, il y’a plusieurs types d’excisions, si non que l’excision consiste à l’ablation du clitoris suivi des petites ou des grandes lèvres, appelées type 1 et type 2 et le type 3 est l’infibulation (on coupe le clitoris, les petites lèvres, les grandes lèvres et on coud).
Le type 4 ; c’est toute forme de pratiques qui ont tendance à rendre flasque le clitoris ou à l’étirer.

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