Fistules obstétricales : Cette maladie de honte qui a la peau dure au Burkina.

Gynécologue obstétricien, chef de service du district de Kossodo
Docteur Moussa Drabo
Chirurgien à l'hôpital Yalgado et responsable de la prise en charge des femmes victimes de fistules obstétricales
Docteur Moussa Guiro

«  On estime la prévalence (La prévalence ce sont les anciens et les nouveaux cas regroupés) de la fistule obstétricale à 3.000.000 par an et l’incidence (l’incidence c’est spécifiquement les nouveaux cas, car les nouveaux cas viennent s’ajouter chaque année aux anciens cas qui ont été réparés ou pas) est de 150.000 par an.
C’est un problème de santé publique mondial, mais plus en Afrique et dans les pays sous-développés » Dixit Docteur Moussa Drabo, gynécologue obstétricien d’ailleurs chef de service de la maternité du district de Kossodo relevant de Nongremasson.

QU’EST-CE-QUE LA FISTICULE OBSTETRICALE ?
Docteur Drabo la définit comme étant une communication anormale entre la vessie et le vagin (alors on parle de fistule vésico-vaginale) : Les urines s’écoulent spontanément dans le vagin ; la personne ne se contrôle pas, il y’a une incontinence. Elle est obligée de porter une couche).
Lorsque la communication se situe entre le rectum et le vagin, en ce moment, on parle de fistule recto-vaginale. Une partie des selles se retrouve dans le vagin. Elle survient après un accouchement difficile d’où le nom de fistule obstétricale ; si non, il y’a d’autres types de fistules après une intervention chirurgicale, une radiothérapie pour cancer.
Docteur Moussa Guiro chirurgien de profession au niveau de l’hôpital yalgado et responsable de la prise en charge des femmes victimes de fistule obstétricale à l’hôpital Saint Camille, quant à lui la définit comme une communication anormale qui se crée entre la vessie et le vagin ou entre le rectum et le vagin et cette communication va entrainer un écoulement permanent d’urine ou un écoulement permanent de selles ou les deux à la fois , donc « cet état fait que la femme sera mouillée permanemment avec des odeurs et un inconfort qui va se présenter et ces odeurs vont être à l’origine d’isolement de cette femme, elle sera isolée, marginalisée et cela engendre des conséquences sociales très importantes ».
Cette maladie est dite «  maladie de honte », parce que la personne (d’ailleurs adulte) atteinte de fistule continue à se souiller d’urine et de selles ; Ce qui dégage des odeurs d’urine et de selles qui vont l’empêcher de fréquenter des milieux bondés de monde, a-t-il poursuivi « Vous  voyez qu’elle ne peut plus fréquenter la plupart des milieux festifs et même là où il y’a des regroupements de personnes ;  Elle ne peut pas aller au marché, elle ne peut pas aller dans les lieux de prière, elle ne peut pas aller dans les mariages  et cette maladie amène la femme à s’isoler elle-même , à se marginaliser elle-même, à avoir honte de son état , c’est pour cela on parle de maladie honteuse ».
Cette maladie est la complication d’un travail d’accouchement difficile lorsque la tête fœtale est restée longtemps coincée au niveau des parties génitales a expliqué Docteur Drabo «  Ce sont des femmes qui ont donc besoin d’une prise en charge notamment par la césarienne. Si elle n’est pas réalisée à temps, il se crée alors une névrose des tissus au contact avec au finish une communication anormale avec les organes de voisinage comme la vessie ou le rectum ».
Ces cas qui se rencontrent très souvent dans les contrées les plus reculées, Docteur Guiro pour abonder dans le même sens que son prédécesseur, a indiqué que la principale cause de la fistule réside dans le fait que l’accouchement n’a pas été assisté par des personnes qualifiées «  Ce sont des femmes qui accouchent parfois seules, ou qui accouchent aidées par quelqu’un qui ne maitrise pas l’accouchement , qui ne maitrise pas la physiologie de l’accouchement , ces cas se rencontrent le plus souvent dans les contrés les plus reculées dans lesquelles il n’ya pas de formations sanitaires , là où les femmes n’ont pas accès à des sages –femmes » . Cela aussi peut être aggravé par le fait que la femme qui est très jeune qui s’est (ou qu’on a )mariée très jeune et qu’elle a des grossesses précoces ( donc un corps et un bassin très jeunes) , n’est pas suffisamment aguerrie pour supporter l’épreuve de l’accouchement, a-t-il lâché ; ce qui va entrainer un accouchement qui va durer en longueur et cet accouchement va entrainer des fistules « Cela peut arriver aussi quand vous avez des séquelles d’excision qui gênent la sortie de l’enfant , donc cela va encore entrainer un accouchement prolongé qui peut être à l’origine de la fistule , il y’a aussi des femmes qu’on gave de tisane qui font que la vessie est trop remplie ».

Comment lutter contre la fistule obstétricale.

Le traitement de la fistule obstétricale est le plus souvent chirurgical selon Docteur Drabo «  certaines fistules diagnostiquées plutôt peuvent guérir spontanément si l’on maintient la sonde urinaire pendant une dizaine de jours surtout si elles ne sont pas assez étendues », Docteur Guiro est revenu sur les trois principaux et essentiels aspects (la prévention, le traitement et la réinsertion sociale) permettant de lutter contre cette maladie de honte.
Le 1er aspect selon lui, consiste en la prévention « On peut la prévenir ; pour prévenir, il faut que l’accouchement soit assisté par des personnes compétentes, il faut que toutes les femmes puissent accoucher dans des districts sanitaires qui sont à même de prendre en charge correctement la femme, c’est la 1ère des choses »
Quant au 2ème aspect, a-t-il poursuivi, il faut traiter les femmes qui ont les fistules et « c’est ce que nous faisons dans notre structure (L’hôpital Saint Camille) ici. On a la chance au moins de guérir pas mal de femmes malades ici »
En ce qui concerne le 3ème et dernier aspect, il a soulevé le problème social «  En effet, des femmes sont souvent marginalisées, rejetées et même répudiées par leur époux. Il faut trouver en ce moment des systèmes pour les réintégrer socialement, cela aussi est un des volets de la prise en charge des femmes victimes de fistules ».

Comment se fait la réparation des fistules obstétricales.

La réparation se fait au niveau des structures entièrement chirurgicales (comme les centres de Shiphra à Tanghin, Saint Camille, du district de Bogodogo et dans quelques centres régionaux) a souligné Docteur Guiro «  Il y’a des cas que nous arrivons à récupérer médicalement avant qu’ils ne s’aggravent ; cependant, dans la plupart des cas, la fistule est installée et il faut immédiatement opérer la femme. Cette intervention se fait en plusieurs étapes : Tout d’abord, lorsque la femme arrive, elle est prise en charge par l’équipe médicale, on la prépare et on va à l’intervention et l’intervention consiste à réparer les lésions, c’est-à-dire que comme la vessie était rompue, il faut la réparer, aller réparer le rectum dans la paroi vaginale et à partir du moment où elle ne perd plus les urines, on pense qu’elle est guerrier, donc ces réparations se font dans les structures habilitées » En moyenne une bonne vingtaine de personnes prennent en charge régulièrement les fistules , a-t-il dit « Presque tous les urologues, les gynécologues et les chirurgiens au Burkina Faso ont été formés et sont habiletés à prendre en charge les fistules  ».

Ces réparations sont subventionnées.
La femme atteinte de fistule obstétricale ne débourse aucune somme pour se faire réparer puisque ces réparations sont subventionnées a souligné Docteur Guiro « Ces réparations sont subventionnées , la femme ne paye rien .Avant,   on assurait même leur transport aller-retour ; il se trouve que ces derniers temps, on demande aux femmes de contribuer pour le transport si non, tout le reste est pris en charge gratuitement et la chirurgie, et l’hospitalisation et les médicaments , et les examens ) par d’autres structures( comme la Fondation Rama) avec l’appui de certains partenaires (le ministère de la santé, l’UNFPA (le fonds des nations unies pour la population), la CEDEAO qui a un volet genre qui accompagne les femmes dans la prise en charge des fistules ) ».

Sans les subventions, le prix de la réparation varie de 300.000 à 500.000Fcfa, a-t-il ajouté « vous voyez que c’est au-delà des possibilités de nos femmes, même en ville, ce n’est pas du tout facile pour une femme de réunir une telle somme, ce qui signifie que ce sont des efforts énormes que nos partenaires consentent pour nous aider à prendre en charge ces femmes ».

La durée de la réparation dépend de la destruction.
La durée de l’intervention aussi dépend de l’importance de la destruction a expliqué Docteur Guiro «  Si la destruction est minime, l’intervention peut aller vite en 30 -45mns et quand la destruction est très grande, beaucoup de délabrement, il y’a des interventions qui peuvent durer parfois plusieurs heures ; on a vu des gens qui ont opéré pendant 4 -5- 6h, tout dépend de l’importance de la destruction ».

La réparation ne marche pas à 100%.
Non, il arrive très souvent que la réparation ne marche pas a rétorqué Docteur Guiro.
Des études ont démontré que même au niveau de l’OMS (organisation mondiale de la santé), on a 85% de chance de réussir la 1ère intervention et 15% réservés à l’échec, a-t-il dit « Généralement chez nous ici, quand on finit, on a plus de 95% de succès ».
Cependant, il y’a des cas (ils ne sont pas nombreux) qu’on ne peut plus réparer «  il faut souvent faire des dérivations (Par exemple si la vessie est complètement détruite, on dirige les urines dans le rectum, donc la femme pourra être sèche et à ce moment, elle pourra mieux contrôler ses urines. Il est à noter qu’on rencontre plusieurs types de dérivation ».

La femme peut avoir des enfants si elle le désire et le veux bien après sa réparation 

Evidemment oui, répond avec conviction Docteur Guiro « Si la femme est réparée, elle peut toujours accoucher. Généralement comme on l’a dit , c’est le jeune âge de la femme qui favorise la fistule , souvent ce sont des jeunes femmes qui sont à leur 1er accouchement et très souvent l’enfant qui est issu de cet accouchement décède, donc la femme n’a pas d’enfants, et l’enfant est vraiment important en Afrique dans la vie de la femme , donc, quand on finit de réparer, on fait en sorte que la femme puisse avoir d’autres enfants , mais sans aussi avoir la fistule , très souvent les femmes qui ont été opérées de fistule, on les recommande pour les prochaines grossesses de faire des césariennes ».

Le nombre de patientes réparées par jour dépend d’une période à une autre.

Docteur Guiro a estimé à une ou deux patientes par jour « Nous sommes en pleine campagne (Nous avons discuté avec lui le jeudi 27 novembre 2020) et nous formons des médecins pour la prise en charge des fistules.   Nous avons des médecins actuellement qui apprennent à traiter les femmes atteintes de fistule, c’est régulièrement que nous prenons en charge les femmes, mais sinon, il y’a des moments où nous menons des campagnes pour former des gens, par moment on a 15 à 20 femmes que nous opérons ».
Tout comme Docteur Drabo, Docteur Guiro rencontre des difficultés dans l’exercice de leur fonction, puisque selon Docteur Drabo, le traitement est assez complexe ; il doit être réalisé par un chirurgien formé et souvent expérimenté puisque certaines fistules peuvent être réparées plusieurs fois sans succès.

Des patientes de l’hôpital Saint Camille ont accepté se confier par rapport à cette maladie.
Des femmes réparées par Docteur Guiro et qui sont prises en charge par une équipe médicale sur place (Docteur Kagoné est l’un des médecins formés et qui s’occupe des malades), ont accepté se confier même si certaines d’entre elles ont voulu le faire dans l’anonymat.
La 1ère qui vient de Manga qui a eu 10 enfants dont 4 vivent actuellement, Salimata Diéné puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a indiqué être venue à l’hôpital Saint Camille grâce à la fondation Rama « J’ai été dirigée vers la Fondation Rama lorsque mes urines ont commencé à couler ; et c’est de là-bas, que la fondatrice de la Fondation m’a emmené ici afin que je puisse être réparée et cela fait 15jours que je suis internée »
Cette autre femme originaire de Sabou, âgée de 34ans, qui est à sa 5ème grossesse dont deux survivants, tout comme la 1ère a affirmé être à l’hopital Saint Camille grâce à la Fondation Rama.
Cette femme qui se fait réparer une deuxième fois, espère que tout ira pour le mieux cette fois-ci ; et cela fait 21jours qu’elle est prise en charge « on m’avait soigné et ça allait et j’étais même repartie chez moi mais l’urine a recommencé à couler, c’est pourquoi je suis revenue pour une nouvelle réparation. C’est ma 5ème grossesse, mais je n’ai que deux qui vivent actuellement » 
Même son de cloche pour cette 3ème personne originaire de Léo qui dit être venue à l’hôpital Saint Camille grâce à la Fondation Rama. Cette jeune femme de 20ans a perdu son enfant de sa 1ère grossesse, ce qui signifie qu’elle n’a pas d’enfants ; et cela fait 20jours qu’elle est internée. Ses urines coulaient depuis deux ans.

NB : La Fondation Rama est une Fondation créée par une Femme battante du nom de Rasmata Kabré pour venir en aide aux femmes victimes de fistules obstétricales.
Cette femme, grâce à son courage, son dynamisme, sa détermination et sa conviction, a permis à de nombreuses femmes à redevenir comme « avant » et à retrouver le sourire.

benedicteoued@gmail.com

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