DECLARATION DE VOIX DE FEMMES A PROPOS DE L’AFFAIRE DE LA FILLE BATTUE A MORT PAR SON PERE POUR CAUSE DE GROSSESSE

Une tribune pour la femme burkinabé

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C’est avec une vive émotion que l’ONG « Voix de Femmes » a appris, à travers les colonnes du journal « Le Pays » en date du 18 juillet, le décès d’une jeune fille battue à mort par son propre père pour cause de grossesse. Les faits auraient eu lieu dans le village de Diarabakoko, commune de Banfora.

La victime qui venait d’obtenir son BEPC, aurait été d’abord malmenée au domicile du prétendu auteur de la grossesse par son père qui l’y aurait conduite. La maltraitance se serait poursuivie sur le chemin de retour.

En effet, selon le journal « En prenant le chemin du retour, il aurait frappé la fille dont les cris ont paniqué les villageois ».

Ce drame vient une fois de plus rallonger la liste des filles victimes de violence pour le simple fait d’être nées de sexe féminin.

Oui, le constat ne souffre d’aucune contestation, la victime a subi ce triste sort parce qu’elle est tout simplement du sexe féminin. Ce crime est révélateur des mentalités constitutives des normes sociales, sources de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles. L’alarme n’est tirée que lorsque la violence atteint un degré d’extrême gravité qu’est la mort. En effet, la victime avait-elle été simplement chassée que l’acte aurait bénéficié d’une certaine tolérance ou onction de l’opinion en raison de la croyance que la grossesse de la fille déshonore ses parents. Pourtant le bannissement qui est la norme souvent tolérée peut avoir des conséquences  autant tragiques. En effet, bannie de sa famille et sans aucun soutien, la victime aurait pu malheureusement perdre la vie en tentant un avortement clandestin. Elle aurait pu, après l’accouchement, jeter son nourrisson dans une fosse septique. Dans tous ces cas, une vie humaine serait à déplorer. Aussi, celles qui, abandonnées par la famille tentent de survivre en assumant pleinement la responsabilité de leur grossesse devront faire face à des préjugés et des stigmatisations. Toute chose qui est de nature à faire perdre à la fille toute estime ou considération pour sa propre personne car ayant le sentiment d’être devenue un déchet social, un être rejeté par sa famille et la société. Le suicide, la prostitution, le grand banditisme et même la consommation de la drogue sont très souvent les seuls chemins que la société aménage pour la fille enceinte et bannie par sa famille.

 Par cette exclusion, ce bannissement, la famille et la société contribuent à l’autodestruction de l’estime de soi des filles victimes.  

C’est le lieu de rappeler que l’exclusion familiale des filles enceintes est punie par la loi au Burkina Faso.

En effet, l’article 532-12 du code pénal prévoit qu’ « Est puni d’une peine d’emprisonnement de deux mois à six mois et d’une amende de trois cent mille (300 000) à un million cinq cent mille (1 500 000) francs CFA, toute personne coupable d’exclusion du milieu familial à l’égard d’une fille enceinte ou qui refuse un mariage forcé ».

Mais dans le cas présent le père a posé l’acte ultime en matière de violence à l’égard de sa fille en la tuant simplement. Tomber en grossesse pour une adolescente est –il une cause suffisante pour lui arracher la vie ?

Il ressort du récit du journal « Le Pays » qu’une enquête est ouverte et plusieurs personnes ont déjà été entendues sur les faits. Le père répondra des faits  dont les conséquences sont inimaginables pour lui et sa famille.

Il est évident que la loi reste insuffisante à régler une telle pratique ayant un ancrage profond dans nos sociétés. D’autres actions doivent alors être combinées aux lois pénales et intervenir en amont et faire obstacle à la violation des droits des filles afin de déconstruire les normes sociales défavorables aux droits de la jeune fille. Faut-il le répéter, la victime n’aurait pas subi ce sort si elle bénéficiait d’un statut social qui la mettrait, tout comme le garçon, à l’abri de la violence. A l’évidence le père porte une grande responsabilité dans la survenue de cette grossesse. En effet, si le dialogue parents enfants autour des questions relatives à la santé sexuelle et reproductive était promu dans cette famille, la fille aurait pu éviter de tomber en grossesse et ce qui aurait pu éviter à ce père, à cette famille cette hécatombe sociale. 

Ce triste évènement interpelle donc tous les parents afin d’instaurer ce dialogue, seul moyen de donner des capacités aux enfants de vivre de façon responsable leur sexualité.

Face à ce nouveau drame qui soulève la question de l’égalité de genre dans notre pays, Voix de Femmes interpelle également les pouvoirs publics sur la nécessité d’intensifier la lutte contre les violences à l’égard des filles et des femmes. 

Certes, des politiques et stratégies nationales en matière de promotion des droits des filles ont été définies par l’Etat, mais la persistance du phénomène exige sans doute d’autres approches.

La victime de Diarabakoko serait en vie de nos jours, elle aurait eu la possibilité de poursuivre ses études après son accouchement dans la mesure où elle venait de réussir au BEPC.

Oui, elle avait l’avenir devant elle, même étant fille, elle avait le droit de vivre et d’avoir des projets de vie si sa famille et la société lui avaient accordé ce droit de tomber dans l’erreur en tant qu’adolescente.  Oui, si elle était un garçon ce sort ne lui serait pas réservé! Pourtant, nul ne choisit son sexe et nul ne doit souffrir du fait de son appartenance à un sexe donné. Notre société doit se débarrasser de toutes ces normes qui sont source de discrimination et de violence. C’est à ce titre que l’ONG « Voix des Femmes » depuis plusieurs décennies mènent des actions de sensibilisation des populations, des ménages dans les villes et les campagnes sur les normes sociales et pratiques néfastes au bien être des filles et fils de ce pays.

Les mentalités qui ne valorisent pas la femme et qui portent atteinte à son intégrité physique et morale, à sa dignité d’être humain doivent être abandonnées.

C’est pourquoi Voix de Femmes voudrais saisir cette occasion pour lancer un appel aux organisations de la société civile sœurs pour qu’elles mettent au centre de leur programme l’éducation à la vie familiale afin d’aider les parents dans la protection des droits des enfants en général et des filles en particulier.

« Voix de Femmes » présente ses condoléances à la famille éplorée et souhaite le repos de l’âme de la victime. Plus jamais ça au pays des hommes et des femmes intègres ! Ensemble, disons non au féminicide dans notre pays.

                                             Pour Voix de Femmes, la Présidente du Conseil d’Administration

                                                                        Mariam LAMIZANA

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